Je m’appelle Sophie Fraioli, j’ai 54 ans. J’ai fait construire ma maison à Crépy-en-Valois en 2009 pour retrouver le calme de la campagne et avoir un lieu de vie mieux adapté à ma maladie. Je suis atteinte de myopathie facio-scapulo-humérale, une maladie incurable et dégénérative qui entraîne une diminution du volume et une faiblesse des muscles.
J’ai travaillé pendant 27 ans comme éducatrice spécialisée dans une association pour la protection de l’enfance. En 2010, suite à une reconversion professionnelle, je suis devenue art-thérapeute. Mon métier consiste à utiliser l’art et la créativité des patients pour prendre en compte leurs maux et améliorer leur bien-être. Récemment, j’ai créé ma propre association Black and blue, un rêve pour chacun. Son but est de concevoir des projets personnalisés pour les personnes fragilisées par une maladie, une addiction, un handicap, etc. Je souhaite les accompagner pour leur montrer qu’il y a toujours de l’espoir, et que la vie peut être réaménagée, même face aux épreuves.
Le sport a toujours occupé une place importante dans ma vie, en loisir comme en compétition. J’ai notamment pratiqué la danse contemporaine à l’Usine à danses et suis, aujourd’hui, adhérente de l’association Form’et vous. Je pratique également le tennis à Compiègne.
J’ai commencé le sport de haut niveau jeune, avec le karaté. J’ai pratiqué pendant 8 ans et me suis arrêté avant d’obtenir la ceinture noire, en raison de l’apparition de ma maladie. Ce sport m’a permis de développer une musculature solide et donc de ralentir la progression des symptômes. Les médecins m’ont conseillé d’arrêter toute pratique sportive, mais j’ai refusé.
En 2010, je me suis lancée dans le para-tennis. J’ai réussi à me classer 27e mondiale dans la catégorie Quad (pour les joueurs atteints des quatre membres). Aujourd’hui, je participe au championnat de France où j’ai régulièrement fini sur le podium, et l’année dernière, j’ai terminé 4e.
Je pense que le sport m’a sauvé. Il m’a prouvé que je pouvais encore accomplir de belles performances. Il m’a également permis de rester autonome, ce qui est essentiel pour moi.
Parallèlement, je me suis mise à la méditation, ce qui m'aide non seulement sur le terrain de tennis, en améliorant mon mental et en me préparant émotionnellement pour les matchs et les défaites, mais aussi au quotidien, pour mieux gérer le stress et l’organisation de mes projets.
C’est le voyage de ma vie, l’Asie m’a toujours attirée ! Je souhaitais partir au Tibet mais étant donné le contexte politique, j’ai préféré choisir le Népal. Avec le recul, je ne regrette absolument pas mon choix ! J’ai adoré la culture, leur attrait pour la méditation et les paysages.
Nous étions un groupe de cinq personnes à partir, dont une autre en fauteuil roulant. Ensemble, nous sommes montés jusqu’à 4 200 m d’altitude dans l’Himalaya !
J’ai réfléchi à ce projet pendant 3 ans, et j’y ai consacré tout mon temps pendant 1 an. J’ai démarché des mécènes et des partenaires pour récolter les fonds nécessaires. C’était assez stressant parce que ça déterminait notre départ. Côté logistique, je suis passée par une agence spécialisée qui avait déjà réalisé des treks pour des personnes à mobilité réduite. Il fallait que l’on s’équipe de fauteuils tout terrain, des sortes de buggys pesant 40 kg. Pour savoir les manipuler, nous avons dû nous entraîner pendant 2 ans près d’Annecy.
Évidemment, j’ai dû m’entraîner physiquement. Je faisais 7h de sport par semaine avec un coach sportif. L’objectif était d’intensifier les entraînements au niveau des membres inférieurs pour avoir la possibilité de faire quelques pas à 4 000m d’altitude et de renforcer les muscles des bras pour manœuvrer le fauteuil.
Avant de partir, j’ai obtenu beaucoup de conseils de mes médecins et j’ai dû passer des tests d’effort et de privation d’oxygène.
Nous sommes partis de Roissy avec toute l’équipe. C’était une première victoire parce que le projet devenait réel ! Nous avons pris plusieurs avions pour arriver à Katmandou, une ville très agitée, inadaptée aux personnes à mobilité réduite, alors j’avais hâte de partir à la montagne. Nous y sommes restés une semaine pour découvrir les temples et les villages situés à 1 500m d’altitude.
Ensuite, nous avons suivi une retraite méditative de 10 jours avec des moines bouddhistes. Nous étions en immersion totale : longues méditations, enseignements philosophiques et groupes de parole. L’objectif était de mettre sa vie de tous les jours en parallèle de la méditation et de savoir comment la placer au cœur de son quotidien. C’est un premier pas vers une guérison de son passé et de son vécu.
Puis, nous avons entamé notre trek de 2 semaines. Nous avons choisi l’un des plus difficiles en termes des chemins : le Mardi Himal. Nous marchions 5 à 6 h par jour. Pour les montées, j’étais portée dans un panier particulier, une technique que les équipes népalaises maîtrisent parfaitement. Pour les descentes, j’utilisais mon fauteuil tout terrain.
Nous avons dû changer notre itinéraire à cause de 3 jours de pluie non-stop qui ont causé des inondations et de la boue. Le terrain était trop étroit et escarpé pour que l’on puisse y passer. Malgré tout, nous sommes partis de 1 025 m d’altitude pour arriver à 4 200 m.
C’était vraiment une expérience inoubliable, l’équipe était humainement incroyable ! Nous avons été accueillis avec tellement de bienveillance, je me suis sentie acceptée telle que je suis. On m’a permis d’être moi-même, sans avoir à jouer un rôle, même dans les moments plus difficiles. Ça m’a appris à lâcher-prise. En France, j’aime être autonome, mais durant ce voyage j’ai dû compter sur l’aide de ceux qui m’entouraient.
Ce voyage, je l’ai fait pour moi, mais aussi pour mon association. Je voulais prouver que des projets comme le mien sont possibles. La vie continue malgré une maladie ou un handicap, j’en suis la preuve. L’expédition a été une vraie reconnexion à la nature et une renaissance. J’ai laissé derrière moi des blessures et des larmes de bonheur.
J’y suis arrivée, alors d’autres personnes peuvent réussir à réaliser leur projet. Nous avons filmé le voyage pour faire un documentaire qui, je l’espère, inspirera, les gens et leur permettra de garder espoir. Il sortira, si tout se passe comme prévu, au 1er trimestre 2026 en formats TV et cinéma. Il sera parfois accompagné de conférences que j’animerai, sur des thèmes comme la résilience, l’importance du sport et de l’art dans le quotidien.


Crédit photos : William Gicquel